Bach et Chostakovitch – Menuhin Academy

Il y a six mois de cela, le 28 octobre, on nous annonçait que les manifestations seraient interdites dès le lendemain. Le même soir, la Menuhin Academy avait pu de justesse interpréter Métamorphoses, création originale dirigée par Pierre Bleuse. Hier soir au Rosey Concert Hall, les solistes remontaient sur scène avec leur professeur et directeur artistique Renaud Capuçon, devant une cinquantaine de personnes. Le ravissement était réciproque.

Texte: Katia Meylan

À une heure du concert, je suis dans les coulisses du Rosey Concert Hall avec Pascale Méla, la directrice de la Menuhin Academy, qui m’accorde une interview pour la prochaine édition de L’Agenda. L’équipe a encore beaucoup à faire avant le lever de rideau, et je me sens privilégiée de témoigner de petits détails composants la vie des musiciennes et musiciens. On cherche un violoniste qui n’est pas encore arrivé, un autre a perdu son masque noir – affublé d’un bleu, il détonnerait un peu.

Toute une installation se prépare aussi au niveau audiovisuel. Je ne suis finalement pas si privilégiée que ça: photos et vidéos sont postées activement sur les réseaux sociaux et permettent de suivre les coulisses en live.
Si la Menuhin Academy n’a pas joué devant un « vrai » public depuis longtemps, les solistes ont gardé un rythme de travail soutenu et ont présenté des concerts en ligne régulièrement. Toutes et tous sont donc rôdé∙e∙s à l’exercice du live et l’ont réitéré hier soir. Le concert était diffusé en direct, et peut toujours être visionné en streaming.

Les élèves et leur professeur commencent par jouer deux concertos de Bach, le Concerto pour violon avec cordes en la mineur et le Concerto pour violon avec cordes en mi majeur. Ces œuvres pleines de vie, conçues dans l’univers sacré du protestantisme et recelant une influence italienne, nous souffle Pascale Méla, sont interprétées avec finesse. Renaud Capuçon nous offre sa virtuosité, on a tant de plaisir à le voir impliquer tout son corps dans la musique; l’expressivité de son visage, le mouvement de son archet mais aussi ses jambes déliées.

Le professeur laisse ensuite partir ses élèves seul∙e∙s en voyage deux siècles plus tard, pour une Europe plus sombre et marquée par la guerre, dans l’interprétation de la Symphonie de chambre op. 110 de Chostakovitch. Les sonorités mystérieuses et parfois violentes de cette œuvre tendent le corps de l’auditeur. On est à l’affut. Sur l’ostinato du premier violon d’Oleg Kaskiv, sous leurs masques noirs, les solistes se concertent. Un motif récurrent de quatre notes est considéré comme une signature musicale – signature qui rappelle aux musicologues celle de… Bach. Les basses sont mis en valeur dans cette œuvre de Chostakovitch et c’est parmi les violoncelles qu’apparaît, dans le quatrième mouvement, un fin rai de lumière dans la tourmente.

Renaud Capuçon a exprimé hier au nom des musicien∙ne∙s, leur joie d’être à nouveau devant un public. La joie était largement partagée.

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