Dans le cadre de “Burn Out 2“ – six propositions scéniques créées par les étudiants du Master Théâtre de la manufacture pour leur travail de fin d’étude – la pièce #2051 ouvre le bal. Thibaut Evrard, le metteur en scène, se présente à moi, oui à moi car il choisit le tutoiement, et me dit en tant que metteur en scène ou déjà comédien, je ne sais pas trop, que j’aurai la possibilité de dire si j’ai aimé ce que j’ai vu ou non.
Dans un laps de temps de dix secondes après chaque scène, j’ai la possibilité d’exprimer mon avis : j’aime, je reste assise. Je n’aime pas, je me lève. Ils prennent une photo et procèdent aux “dépouilles“ : si une majorité de gens n’a pas aimé la scène, ils ne la joueront pas le lendemain.
Première scène : les comédiens, Baptiste Gilliéron et Arnaud Charrin se déshabillent – ça, personne ne s’en plaint – sur la musique de Tetris et se rhabillent le plus vite possible. Le vaincu se prend une gifle du pénis de l’autre. Est-ce que j’ai aimé ? Pas vraiment… mais le public ou les comédiens se diront peut-être que ceux qui se lèvent sont de petites vierges effarouchées… Je n’aime pas beaucoup les deux prochaines scènes non plus, qui sont soit étranges et dérangeantes, soit longues. Mais le fait de devoir se lever ou non à la fin me donne une sorte de responsabilité, garde mon cerveau alerte. D’ailleurs, je pense à toutes sortes de choses. Est-ce qu’ils s’attendent à ce qu’on ne se lève pas, et ainsi nous démontrer notre paresse, ou notre peur de ressortir du lot ? Ma voisine me souffle “est-ce que l’évaluation de son travail de Master dépendra du nombre de gens qui se lèvent ?“. Est-ce que tous ceux qui n’ont pas aimé se lèvent vraiment ?
Durant une scène, Arnaud Charrin récite le Notre Père à l’hélium, et ensuite prend tout son temps pour manger un burger. C’est très ennuyeux. Est-ce que justement, le but est que la majorité des gens se lèvent ? Ou alors ce travail artistique contient un sens profond et peut-être dois-je passer outre les convenances pour le voir? Pouvoir se lever et donner son avis, c’est jouissif, ça m’enlève tout le côté négatif de m’être ennuyée précédemment. Il y a aussi des scènes que j’ai aimées. La comédienne Maya Masse danse gracieusement dans un nuage de fumée pendant que les deux autres récitent d’une voix rauque et soufflée des slogans publicitaires, qui prennent soudain un sens très équivoque. Dans une autre, les quatre artistes mettent leur Ipod, pressent sur play et nous chantent le Roi Lion — presque — en chœur, ça me fait rire même si je ne sais pas vraiment pourquoi. La chute aussi est drôle, mais je ne vais pas vous la raconter car personne ne s’est levé.
Alors pour savoir si en effet, comme dit dans la règle du jeu, ils ne jouent pas mercredi les scènes que le public n’a pas aimées mardi, allez-les voir au chapiteau du théâtre de Vidy aujourd’hui ! Vous ne seriez pas sensés voir la scène du burger.
Texte : Katia Meylan