Le Musée d’art moderne et contemporain de Genève a inauguré sa séquence de printemps le 17 février. Toujours dans le cadre du Cycle des histoires sans fin, ce nouvel accrochage propose les œuvres de douze artistes, et expose ses liens avec d’autres institutions, notamment la Fondation Martin Bodmer et le Frac Île-de-France (Fonds régional d’art contemporain).
La collection du Frac s’invite au 4e étage du Mamco avec « After Dark. Son commissaire, Xavier Franceschi, a décidé d’exploiter l’absence de fenêtres de ce dernier étage et a choisi des œuvres ayant rapport à l’obscurité. Les salles sont plongées dans la pénombre, et les œuvres jouent à apparaitre et disparaitre derrière un faisceau de lumière. Installations, photographies et textes mobiles se présentent aux visiteurs mais restent muets, comme des preuves d’une réalité qui nous a échappée.

Photo: Jimmy Robert, Sans titre, 2005, coll. Frac Île-de-France. Photo: Ilmari Kalkkinen – Mamco, Genève.
Cette saison, la peinture est bien présente, comme le montre la série d’Agnès Martin 10 + 1 Tableaux qui exploite le motif de la grille sur un format carré de 31 centimètres. L’esthétique est minimaliste et l’artiste élabore un protocole très précis en termes de motifs et de nuances de couleurs. La répétition et la structuration font l’œuvre d’Agnès Martin. Au troisième étage également, les photographies de Bruno Serralongue, rassemblées sous le titre La terre est un crocodile, démontrent des réalités sociales difficiles : les conditions de vie des migrants à Calais, la lutte ouvrière d’ArcelorMittal et celle des opposants à la construction de l’aéroport de Nantes. B. Serralongue se positionne en tant que « photographe photographiant », sans chercher à dissimuler ses intentions pour dénoncer et critiquer la construction médiatique de ces événements et leur oubli programmé.
Au deuxième étage, Stephen Felton a travaillé sur place pour créer ces peintures de grand format. Inspirées par la lecture de Scènes de la vie d’un faune d’Arno Schmidt, ces œuvres reflètent son expérience littéraire sous la forme de signes simples, toniques et peints à mainlevée, comme pour représenter l’immédiateté de l’imaginaire lors de la lecture. Une autre artiste a également créé sur place : les tableaux d’Emilie Ding soutiennent les dimensions des salles du Mamco puisqu’elle travaille avec des structures en béton de plus de deux mètres de haut, sur lesquelles elle peint.
Derrière un rideau, l’exposition d’Antoine Bernhart Jouer avec le feu présente ses dessins mis en lien avec l’exposition Sade, un athée un amour à la Fondation Bodmer (jusqu’au 12 avril 2015). Un avertissement déconseille aux personnes sensibles de franchir le pas. En effet, les thématiques abordées par l’artiste sont extrêmes : meurtre, viol, zoophilie et autres brutalités sont représentées par des personnages aux têtes surdimensionnées. C’est l’occasion de découvrir son travail, peu exposée dans les musées.
Dans un tout autre registre, un grande partie du premier étage est consacré au travail de Mounir Fatmi Permanent Exiles. Avec des films, des installations et des sculptures, M. Fatmi offre une réflexion sur l’altérité, sur son identité liée à celle de l’autre. La religion comme essence culturelle est très présente, de même que la science face à la vulnérabilité de l’homme.
On trouvera aussi plusieurs séries des années 1990 de François Dilasser, peintre autodidacte, qui forment un ensemble cohérent aux motifs répétés : les veilleurs, les régentes, les bateaux-feux et les têtes-marines. A voir aussi : la moquerie de l’après-guerre et du formica par Bernhard Johannes Blume; un train de marchandises à Marfa par Katharina Hohmann et Franck Westermeyer ; les Charge-objets de Jean-Michel Sanejouand et une des trois installations géantes de Dennis Oppenheim qui sont restées dans les collections publiques genevoises.
La séquence printemps du cycle des histoires sans fin du Mamco, jusqu’au 10 mai 2015.
Texte: Rachel Mondego