Opéra tchèque au Grand Théâtre de Genève, table ronde du 3 juin.
« Mĕsíčku, nezhasni ! » « Lune, ne te cache pas ! »
Antonin Dvořák a créé, selon Daniel Dollé (D.D.), conseiller artistique et dramaturge, un opéra « fantastique » et « génial ». S’appuyant sur le livret de Jaroslav Kvapil, il avait en effet donné vie, autour de 1900, à une œuvre ayant attiré un engouement national, puis international. La figure principale est une nymphe, qui s’éprend d’un prince et se transforme en humaine grâce à l’intervention d’une sorcière, à qui elle concède sa voix. Muette et désabusée, elle finira pourtant par retourner dans les eaux.
Aujourd’hui, si l’histoire fait l’unanimité, il n’en va pas de même en ce qui concerne ses interprétations. C’est donc dans une optique de confrontation des points de vue, qu’a lieu cette table ronde. D’un côté se trouve Sergio Morabito (S.M.), co-metteur en scène, et de l’autre Dominique Catteau (D.C.), professeur agrégé de philosophie et auteur d’un ouvrage sur le sujet.
S.M. rappelle tout d’abord la trame de fond, qui se divise selon lui en deux couches. En premier lieu, il mentionne les déités païennes qui ont survécu à l’avènement du christianisme. Elles sont issues d’un monde archaïque, basé sur la raison. Puis, lorsque ces personnages sont placés dans un contexte historique plus récent, on note une tendance psychanalytique et dénonciatrice d’une société privée de communication, en proie à la folie. Ainsi, l’une des scènes se situe dans un « bordel » et matérialise une nature violée, tandis qu’à la fin de l’histoire Rusalka, interprétée par Camilla Nylund, finit par se transformer en vampire. Le but est de montrer la « cruauté », la « froideur » et le côté « vénal » de l’Humanité.
Or, D.C. dénonce justement ce type de mise en scène, qui, selon lui, non seulement altère l’œuvre originale en y intégrant trop de modernité, mais de plus se borne à mettre en avant les défauts de l’époque contemporaine. Car S.M. n’est effectivement pas le seul à avoir choisi cette interprétation : l’on peut citer Stefan Herheim, qui avait proposé une vision analogue du même Opéra, joué au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. D.C. résume donc son propos dans cette question : « Est-ce que les chefs d’œuvres ont vraiment vieillis ? »
Le débat provoque une tension presque palpable dans l’assistance, mais également et surtout un élan passionnel pour un sujet très controversé.
D.C. donne très justement le mot de la fin : « Il faut qu’on se fasse une opinion par soi-même. »
Venez assister à l’une des six représentations de Rusalka, qui se jouera à partir du 13 juin au Grand Théâtre.
Texte : Michael K.