4e édition lausannoise d’un TEDx sous le signe de l’empowerment féminin

Le 5 décembre, la 4e édition de TEDxLausanneWomen prenait possession du SwissTech Convention Center de l’EPFL. Une édition internationale qui se proposait de mettre en lumière la singularité des parcours féminins en comparaison de leurs homologues masculins, à l’aide de profils féministes inspirants. Trois d’entre eux, à caractère artistique, ont retenu notre attention.

Texte: Julia Jeanloz

Pour mieux comprendre la sélection des femmes et féministes présent·e·s le 5 décembre au SwissTech, il nous faut jeter un coup d’œil dans le rétroviseur. En Suisse, 2019 a connu son lot de succès dans la prise de conscience, par la société civile et les politiques, des inégalités entre les sexes et de leurs conséquences. Un enjeu d’autant plus crucial qu’il existe dans notre pays un écart saisissant entre les standards de vie et les inégalités hommes – femmes. Or, bien que le chemin à parcourir reste long et sinueux, plusieurs événements témoignent de l’avancée de la question: la grève nationale des femmes en juin dernier, la nette augmentation de la représentation des femmes au Parlement – qui s’est notamment traduite par un bond spectaculaire de 32% à 42% au Conseil national –, le durcissement de la législation sur les violences conjugales récemment adoptée par le Parlement, pour n’en citer que quelques-uns. Ainsi, si certaines voix s’insurgent contre la multiplication et l’attention accrue portée aux enjeux féministes au sein du débat public, qu’elles prennent leur mal en patience: le regain d’intérêt qu’a connu le sujet ces dernières années n’est pas prêt de retomber au moment où une nouvelle législature, bien plus féminine qu’en 2015, démarre.

Lever le voile sur les spécificités des parcours féminins

Enseigner aux femmes qu’elles aussi peuvent se montrer audacieuses, indépendantes, innovantes, sans avoir à en rougir, c’est le motto de TEDxLausanneWomen, qui programmait un panel de conférencier·ère·s soigneusement sélectionné·e·s localement. L’avantage de ces événements réside dans la poursuite du dialogue et de la réflexion sur les vulnérabilités dont les femmes peuvent faire l’expérience avec, en miroir, des personnalités qui ont en commun de proposer une réponse fructueuse et innovante aux difficultés qu’elles connaissent dans leur domaine respectif.

Diana Rikasari, fashion designer et licorne assumée

C’est coruscante, dans une combinaison à sequins multicolore et avec une corne sur le haut du crâne qu’apparaît Diana Rikasari, auteure, blogueuse et fashion designer indonésienne, établie à Lausanne depuis 3 ans. Avec enthousiasme, elle explique son parcours à l’audience, comme femme, mais aussi comme mère d’un fils autiste. Elle s’est d’ailleurs toujours interrogée sur la manière de sensibiliser le grand public à l’autisme. Et voilà qu’elle a récemment trouvé une réponse, la sienne, à travers la mode. Diana a réalisé un défilé en hommage à son fils, intitulé « J’Aime l’Autisme ». Celui-ci présente un choix de pièces aux couleurs lumineuses, de textiles fragiles, mais brillants, en référence à l’autisme. Une façon de proposer sa propre interprétation du monde de l’autisme, pour les autistes eux·elles-mêmes mais aussi pour le grand public, visuellement et de manière positive. L’idée étant, entre autres, de montrer la richesse de leur vie intérieure et de leur perception, ou encore de souligner à quel point ils·elles peuvent se sentir emprisonné·e·s dans leur esprit et leur corps lorsqu’il s’agit de communiquer leurs sentiments à d’autres personnes. L’occasion, pour la designer, de rappeler qu’il est nécessaire de s’accepter dans sa singularité, de se montrer authentique, d’assumer ses vulnérabilités.

EHL Fashion Show, « J’Aime l’Autisme » de Diana Rikasari, le 28 novembre 2019

Daya Jones ou la célébration des corps féminins à travers la danse

Daya Jones, artiste et chorégraphe lausannoise, est une figure montante du panorama suisse de la danse. Si on la connaît pour être récemment passée devant la caméra du média Tataki avec « Moves », émission qu’elle a écrite et présentée, on l’apercevait sur scène davantage sur la retenue, face à un public de plus d’un millier de spectateur·trice·s.

Daya Jones

La culture urbaine, elle en connaît un rayon. C’est du reste dans le hip-hop qu’elle a fait ses armes, à travers l’improvisation et les battles. Puis, lors d’un séjour à New York, Daya fera la rencontre du voguing, du krump, de l’underground… En 2012, elle rejoint la compagnie Swaggers de Marion Motin et débute en 2016 une tournée internationale du spectacle In the middle. En 2015, elle lance le « sassy concept », une vision de la danse ouverte, qui vise à reconnecter les femmes à leur corps, à leur sensualité et à revaloriser les corps féminins à travers l’expression personnelle. Sur scène, lorsque le mouvement remplace les mots, l’embarras laisse la place à un aplomb permettant aux spectateur·trice·s d’apprécier la fluidité et la précision de ses gestes et de ses pas.

Lauren Wasser, un exemple de résilience et de ténacité

Le moment le plus bouleversant de l’événement est sans conteste celui de l’exposé de l’activiste et mannequin américaine Lauren Wasser. Celle qui a posé devant l’objectif de David LaChapelle ou qui a défilé au Savage X Fenty Show de Rihanna lors de la Fashion Week de New York se bat pour faire connaître un phénomène méconnu, le syndrome du choc toxique (SCT); une maladie rare, mais aux conséquences sévères. Une maladie qui lui a également valu d’être amputée des deux jambes, en raison des produits toxiques contenus dans les protections hygiéniques. Depuis 8 ans, l’Américaine lutte pour un changement de paradigme radical du côté de l’industrie des produits d’hygiène féminine. Un combat qu’elle mène également aux côtés d’une députée démocrate qui compte faire adopter par le Congrès le Robin Danielson Act, un projet de loi exigeant des marques qu’elles dévoilent la composition de leurs produits d’hygiène féminine et les effets à long terme de ces produits sur le corps. En effet, la discussion sur les produits d’hygiène féminine fait souvent l’objet d’une omerta, en raison de son caractère tabou. Corolaire de cela, les fabricants ne sont pas obligés de réaliser des tests sur la sûreté ou les effets à long terme de ces produits en amont de leur acquisition par les consommateur·trice·s. Le Congrès américain – en majorité composé d’hommes – a déjà rejeté par dix fois ce projet de loi.

En écho à ces trois femmes et aux autres intervenant·e·s de TEDxLausanneWomen, il n’y a plus qu’à souhaiter que 2020 soit, à un niveau individuel, une année pleine d’audace, celle d’aller à l’encontre des idées reçues, d’oser se départir des ambitions qu’on nous assigne pour tracer notre propre route. À un niveau plus global, nous avons l’espoir que l’année à venir soit ponctuée d’autant d’avancées sociales que de succès politiques.

www.tedxlausanne.com

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