Mercredi soir avait lieu la première du Petit Chaperon Rouge, une création lyrique originale présentée à l’Opéra de Lausanne. Signé Guy-François Leuenberger à la musique et Stefania Pinelli au libretto, ce court opéra conçu spécialement pour le jeune public attendait déjà depuis un an d’être dévoilé au public: c’est à présent chose faite. Le résultat, charmant, a largement convaincu.
Texte: Athéna Dubois-Pèlerin
Le conte de la fillette et du grand méchant loup, lu et relu à l’envi, est un matériau décidément bien connu des enfants. Tout l’enjeu de l’adaptation consistait dès lors à trouver une manière inventive de raconter ce grand classique, en emmenant son public sur un sentier certes battu, mais au détour duquel se cachent toutefois quelques surprises. Si la trame reste fidèle au conte original, les créateurs ont ainsi tenu à colorer leur Chaperon Rouge de problématiques actuelles, qui entrent en résonance avec les thèmes de l’histoire: on découvre ainsi une héroïne adolescente, plus rebelle et assertive que le personnage de Perrault et Grimm, actrice de sa propre histoire et responsable de sa propre évolution. À la fois fraîche et familière, cette création s’empare habilement de la matière sombre du conte pour s’attaquer de biais à la problématique du consentement et des violences sexuelles, sous un angle facétieusement féministe.

Qu’on se rassure toutefois, ces lectures en filigrane viennent enrichir la portée psychologique de l’œuvre sans en rendre évidents tous les ressorts, et le spectacle reste largement approprié pour tous les yeux et toutes les oreilles. La musique, résolument moderne, est harmonieuse de bout en bout et sert remarquablement le récit, avec notamment des jeux de dialogue très réussis dans la forêt, où la mélodie alterne rapidement entre un mode majeur lumineux (qui souligne l’insouciance du Chaperon rouge) et un mode mineur grinçant (qui annonce l’arrivée du loup, dont on aperçoit déjà la silhouette menaçante entre les arbres). Espiègle et colorée, la mise en scène participe à donner un ton « bon enfant » à l’œuvre – avec une mention spéciale pour la maison de la Mère-Grand, qui s’approprie pleinement l’expression « se jeter dans la gueule du loup ».
Côté casting, on ne peut qu’applaudir le quatuor d’interprètes qui se glissent dans la peau des personnages du récit: le Chaperon, sa Mère, le Loup, la Mère-Grand (pas de Chasseur dans cette version-ci, eh non! le Deus ex Machina sera à chercher ailleurs). On distinguera tout particulièrement la jeune Yuki Tsurusaki dans le rôle-titre, dont le soprano stratosphérique épouse à merveille toute la légèreté bondissante du rôle réinventé par le duo Leuenberger-Pinelli. Un très joli moment de musique, qui ravira aussi bien les têtes blondes que grises. Loup y es-tu?
Le Petit Chaperon Rouge
Jusqu’au 10 octobre
Opéra de Lausanne
https://www.opera-lausanne.ch