ArtLab, c’est le nouveau bâtiment du campus de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Une nouvelle prouesse architecturale qui viendrait presque faire de l’ombre au Learning Center. Emblème de la science et de la recherche, l’EPFL accueille maintenant une section culturelle et met le savoir de ses chercheurs à disposition de l’Art plastique. Quand des ingénieurs rencontrent Soulages, on obtient « Noir, c’est noir? », la première exposition du nouveau bijou de l’Ecole, un cadeau pour les adeptes d’art abstrait !
Outrenoir, plait-il? C’est un autre monde, une autre façon de concevoir l’Art, de voir le noir. Pierre Soulages, artiste majeur de l’art abstrait, crée ce terme en 1979 lorsqu’il commence à peindre des toiles en utilisant uniquement du noir. Alors oui, on pense directement aux Monochromes bleus d’Yves Klein, ou encore au Carré noir sur fond blanc de Malevitch, mais les Outrenoirs sont bien plus que du noir, « Mes peintures n’ont rien à voir avec le monochrome. Si l’on trouve qu’elles sont seulement noires, c’est qu’on ne les regarde pas avec les yeux, mais avec ce que l’on a dans la tête. » affirme Soulages. Et une fois que l’on voit ses peintures, on ne peut que partager son avis !
On ne reste pas immobile devant un Soulages, on bouge, on joue avec les angles et les incidences de la lumière, voilà tout l’intérêt d’un Outrenoir. Le regardeur devient acteur, on ne cesse de redécouvrir des aspects différents de la toile, et ce noir intense sur lequel se réfléchit la lumière fait ressortir une gamme de couleurs infinie. La texture, les mouvements ou encore les oppositions entre le noir mat et brillant font de ces toiles bien plus que de simples tableaux, on y découvre une matière unique, un Noir-Lumière, du Soulages tout simplement.
Cette exposition est le fruit d’une collaboration entre les laboratoires de l’EPFL et la Fondation Gandur pour l’Art, et on ne peut omettre la part scientifique qu’on y trouve ! On entreprend un chemin interactif à travers ces majestueuses toiles entre lesquelles diverses installations se succèdent, toutes en rapport avec la lumière, le pigment noir et ce qu’une peinture peut cacher. La lumière est indissociable de la peinture, et c’est une dimension sur laquelle autant Soulages que les chercheurs de l’EPFL se sont penchés pour monter cette exposition, notamment en créant un dispositif permettant de moduler l’éclairage d’une des toiles en bougeant, ce qui met en avant les différents aspects texturaux et chromatiques de l’œuvre.
Un peu moins d’une vingtaine de tableaux sont exposés mais on y resterait sans problème quelques heures. Car chacune des œuvres se regarde de différentes manières, l’éclairage très adapté de la salle permet des jeux de lumière, d’ombres et la matière se modifie avec notre mouvement. On ne veut pas quitter ce lieu rempli de merveilles artistiques et scientifiques où l’on découvre une nouvelle dimension, celle de l’Outrenoir, du Noir-Lumière, un noir comme on n’en a jamais vu.
« C’est la matière, c’est la texture – les aplats, reliefs, stries – qui modifient la valeur de ce noir unique. Le spectateur se déplaçant devant cette peinture voit le tableau se faire avec la lumière, se transformer, se construire devant ses yeux. » en deux phrases l’artiste nous dit presque tout, les créations de Soulages sont vivantes et infinies, on ne peut s’en lasser car elles ne cessent de changer.
Noir, c’est Noir?, une première exposition qui nous coupe le souffle, nous laisse béats devant tant de génie ! Une alliance réussie entre Art et Science, où le noir nous éblouit par sa lumière. Autant pour les amoureux de Soulages que pour les scientifiques, cette exposition est à ne pas manquer !

Pierre Soulages Peinture 202 x 255 cm, 18 octobre 1984 Huile sur toile © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photo: Maurice Aeschimann
Plus d’informations sur http://outrenoir.fg-art.org.
Texte: Joséphine Pittet