Enchantement: c’est le mot qui vient à l’esprit lorsqu’on sort dans le parc de l’Orangerie. Les Méfaits du tabac, mis en scène par Denis Podalydès, est une bulle de drôlerie et de raffinement qui se joue encore jusqu’au 19 septembre au Théâtre de l’Orangerie.
Un décor encombré, où s’amoncellent partitions, chaises et lutrins évoque la Russie de la fin de siècle, à la vieille de la catastrophe. Un piano lustré trône, tandis que cinq métronomes battent le temps. Instants suspendus avant l’arrivée de trois femmes. L’une est pianiste, l’autre violoniste, la dernière soprano. Bach résonne. Derrière un grand rideau drapé, Nioukhine apparaît et diffère le début de sa conférence.
La courte scène d’Anton Tchekhov devient ici un « concert en un acte » d’une heure où se mélangent le monologue de Nioukhine et les partitions de Bach, Tchaïkovski et Berio. Véritable écho aux confidences du personnage, la musique accompagne la détresse Nioukhine malmené par sa tortionnaire de femme.
On peut reconnaître la drôlerie du texte, le soin du décor, la délicatesse des jeux d’ombres et de lumières, l’élégance des costumes dessinés par Christian Lacroix… Il faut surtout saluer les quatre interprètes magnifiques de ce spectacle unique. Sur scène, le trio devient quatuor, tant la complicité des artistes avec Nioukhine est palpable. Les deux musiciennes, Florianne Bonanni (violon) et Hélène Tysman (piano) offrent une interprétation virtuose et sensible, tandis que la voix de Muriel Ferraro arrache des frissons. Quant à Michel Robin, touchant et facétieux, il est tout simplement magistral.
Texte: Marie-Sophie Péclard