Le duel de deux vies

Dans le cadre des 200 ans des relations diplomatiques de la Suisse et de la Russie, le Théâtre du Léman a accueilli les 22 et 23 février une pièce du répertoire de la troupe moscovite du Théâtre d’Art de Moscou. Intitulée Le duel, cette pièce est adaptée de la nouvelle éponyme d’Anton Tchekhov.

Le spectateur devient le témoin, dans une atmosphère à la fois idyllique et cruelle, d’un duel entre les protagonistes et eux-mêmes, d’un duel de mots, d’un duel de positions de vie différentes et enfin d’un duel réel à la fin de la pièce. L’histoire se situe dans une petite ville du Caucase où les personnages se sont retrouvés à travers différents concours de circonstance. Certains s’accommodent bien, d’autres moins. Les personnages parlent, se rencontrent, se conseillent, se détestent. Ils essaient simplement de vivre, ils essaient de trouver un sens à leur existence. Ils parlent de Dieu, de possibilités ratées, d’amour non vécues.

Les acteurs, pour la plupart des artistes renommés de Russie, ont su montrer l’humanité de ces personnages, tous plus ou moins ambigus, à travers un jeu chargé d’électricité, de réalisme mais pas d’hystérie. Dommage que les sous-titres français – le spectacle étant en russe – n’ont pas toujours retransmis le texte avec justesse, empêchant peut-être les spectateurs non-russophones de s’imprégner totalement de l’émotion de la pièce.

La mise en scène est assez sobre et sans détails superflus. Le metteur en scène Anton Iakovlev n’a pas recouru a des effets spéciaux et n’a pas transformé l’idée de la pièce ni le texte. Une certaine lenteur de l’action avec un bruit monotone de vagues en arrière-fond souligne l’arrivée imminente du drame comme lors d’un jour chaud – duquel les personnages se plaignent – l’arrivée de l’orage. Le soleil brille tellement que tout est presque blanc, absent. Quelques notes musicales d’un dotâr soulignent la tension parmi les personnages pendant que ces derniers circulent dans un décor dépouillé, mais qui a de l’effet. Des planches de bois clair, d’un côté une chambre, de l’autre une salle à manger, un café. Au milieu une plage avec une barque renversée. Tout autour, des cordes qui pendent comme un rideau délimitant du reste du monde l’espace de la tragédie qui se joue et où pourtant rien ne peut être caché. Ces cordes sont comme une sorte de jungle de lianes que les héros traversent. Parfois ils s’y emmêlent ou s’y pendent pour se balancer, comme pour souligner l’instabilité de notre vie ou leur désir de s’envoler, de vivre autre chose. Ce décor sobre laisse l’occasion au spectateur de voir les émotions, les larmes, les rires, la tragédie à leurs summum. Anton Tchekhov disait que « si un fusil est suspendu à un mur au premier acte d’une pièce, au dernier acte il doit tirer ». Ainsi, nous pouvons dire que si une barque est sur scène au premier acte, au dernier elle doit partir et ainsi, un des personnages quitte ce lieu à bord de cette barque lors d’une météo pluvieuse.

La barque est partie, l’orage a éclaté, les personnages ont changé. Dans une pièce aux thèmes universels, avec des acteurs qui tenaient parfaitement leur rôle, les mots sonnaient comme des évidences et la scène devenait le plateau d’événements qui dépassaient la théâtralité et semblaient réels.

Texte: Anastassia Issakova

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