Crises identitaires à la Comédie de Genève

Marc Vanappelghem Amphitryon fil C-4351

Depuis le 3 décembre, Amphitryon est à l’affiche de la Comédie de Genève. La plus ancienne adaptation du mythe fut celle de Plaute ; venez découvrir celle de Molière. Écrite et montée sur les  planches pour la première fois en 1668, cette pièce peu connue du grand dramaturge français est revisitée par la jeune metteur en scène Nalini Menamkat. Elle donne vie aux vers libres de Molière, dont la beauté et la magie enchantent ceux qui les écoutent.

Alcmène, belle jeune femme nouvellement mariée à Amphitryon, ne laisse pas indifférent Jupiter, bien connu pour son caractère séducteur. Prenant les traits du mari parti à la guerre, il pénètre dans la couche nuptiale et abuse la fidèle épouse. Pendant ce temps, le messager Mercure se mue en sentinelle, sous l’aspect du serviteur d’Amphitryon, Sosie. Surprise quand ce dernier arrive pour annoncer la victoire et le retour de son maître à Thèbes : il se retrouve face à un double plus vrai que nature.

Nalini Menamkat explique : « Cette intrusion de l’irrationnel dans l’existence, je crois que nous y sommes tous, à un moment donné, confrontés. […] c’est finalement assez commun cette idée que, tout à coup, ce qu’on pensait être vrai ne l’est plus. » Le dédoublement d’Amphitryon et Sosie vient bousculer les certitudes, fait naître la confusion et met à mal la raison ; de là le talent de Molière ressort dans des vers savoureux : « Je ne saurais nier, aux preuves qu’on m’expose / Que tu ne sois Sosie, et j’y donne ma voix. / Mais si tu l’es, dis-moi qui tu veux que je sois ? / Car encor faut-il bien que je sois quelque chose ».

Marc Vanappelghem Amphitryon fil D-4539Comédie et tragédie s’entremêlent, sans que la frontière soit toujours très précise. On sourit devant des situations teintées pourtant de désespoir. Pourtant, ce rire n’empêche pas une réelle réflexion et émotion face à cette adaptation. Quelques petites maladresses de mise en scène ne rendent parfois pas toutes ses subtilités au texte de Molière : l’utilisation de pistolets en plastique – l’un de couleur jaune – surprend, tout comme Mercure lançant serpentins et bouteilles en PET sur un Amphitryon furieux de se voir refuser l’entrée de sa maison. Le début de la pièce, également, inquiète, puisque la discussion entre La Nuit et Mercure souffre d’une diction un peu bancale.

Alors que Roland Vouilloz peine à convaincre en Jupiter au côté parodique un peu trop accentué, la profondeur de l’oscillation entre farce et sérieux, entre les moments de drôlerie et ceux de considérations philosophiques, trouve sa meilleure incarnation dans le Sosie livré par Juan Antonio Crespillo.

Dans l’ensemble, la pièce séduit et on partage le désarroi d’Amphitryon, homme victime du bon plaisir des dieux, qui usent des mortels comme bon leur semble.

À voir jusqu’au 21 décembre.

Texte: Jade Sercomanens    Photos: Marc Vanappelghem

Marc Vanappelghem Amphitryon fil D-4700

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