Le théâtre de marionnettes est un espace qui se prête bien à la description de la société actuelle: les ficelles qui guident les personnages illustrent et dramatisent parfaitement l’étouffement des pensées et des volontés. Les relations pouvoir et de manipulation, c’est précisément ce qui se joue dans Les lois du marché, un spectacle inspiré de l’opéra-bouffe qui se joue encore jusqu’au 24 novembre au Théâtre des Marionnettes de Genève.
La petite ville d’Happystadt, située en Germanie franco-saxonne, est en deuil: le patron de l’usine de jouets s’est pendu et l’usine va fermer, condamnant l’économie de la ville à l’effondrement. Le maire et ses adjoints sont consternés: ils ne passeront pas les prochaines élections. Les ouvriers sont désespérés: ils remettront à plus tard leur rêve de grande maison avec cuisine équipée. Que faire pour sauver Happystadt?
Pour alléger le propos ou forcer le cynisme, la mise en scène de Guy Jutard est dynamique, drôle, ingénieuse: le carrousel central, qui tourne pour changer de scène, illustre également la spirale dans laquelle sont pris les personnages. Les dialogues sont entrecoupés de chansons qui s’inscrivent très bien dans l’ensemble. La musique est signée Hélène Zambelli, et les musiciens jouent en live sur la scène.
La crise est au cœur de cette fable politico-sociale. Travailleurs, entrepreneurs, politiques, journalistes: chacun a son mot à dire, mais comment savoir à quel point les uns influencent les autres? Et que se passe-t-il quand les enjeux personnels se mélangent à l’intérêt général? Toutes ces questions, l’auteur Olivier Chiacchiari les évoque et les dénonce, parfois à la limite de la caricature. Mais ses personnages, s’ils représentent des classes très caractéristiques, restent néanmoins nuancés, entre égoïsme et naïveté. Le jugement appartient au public.
Texte: Marie-Sophie Péclard – Photos: Cédric Vincensini