La Collection de l’Art Brut de Lausanne accueille la première monographie de l’artiste américain Charles Steffen. Entre portraits, nus et plantes, l’artiste nous emmène dans son quotidien, habillé d’étrange.
Des papiers d’emballage postaux, quelques crayons de couleurs… et la table du salon. Voici en quelques mots le matériel qu’utilisait Charles Steffen pour réaliser ses dessins.
Souffrant de problèmes psychiques et sujet à l’alcoolisme, Charles Steffen dessinait toute la nuit, lorsque le reste de la famille dormait. Rarement satisfait de son travail, Steffen produit par séries et cherche sans cesse à s’améliorer. Ses dessins sont entourés de textes, dans lesquels il note sa manière de travailler, le temps pris pour réaliser le dessin, ses pensées du jour. Une sorte de journal intime, qui s’exprime en lettres et en dessin :
« mes silhouettes ont été copiées en regardant dans un petit miroir, que j’ai cassé sur mon frère, fait de mémoire principalement, il pleut ici et froid dehors, l’infirmière s’occupe de maman
je me ressemble bien dans ce dessin, ai mangé un donut au petit-déjeuner, l’infirmière me l’a donné, était bon, Mr Steffen, 1990 » (Autoportrait géant fumant la pipe, 1990).
« … Cela a pris deux heures pour terminer ce dessin, un sacrément bon dessin, si je le dis moi-même, merci seigneur pour ce beau dessin, le portrait devrait en fait être de format un peu plus petit, mais ça ira, Steffen 90 »
Ses textes expriment également ses souffrances, physiques notamment, des problèmes d’argent et de vieux souvenirs, autours de figures étranges ; on trouve dans cette exposition plusieurs portraits de sa mère, des autoportraits, des nus, des végétaux, mais également des figures abstraites, faites de formes, des êtres hybrides entre la plante et la femme. La figure de la mère est omniprésente, et se décline en de multiples thèmes au travers des compositions minutieuses de Charles Steffen.
Des milliers de compositions sont ainsi réalisées durant la vie de l’auteur : après avoir achevé ses dessins, il les enroulait soigneusement, et les entreposait dans la cave de la maison familiale, où il vivait avec sa mère et sa soeur Rita.
Rita l’oblige régulièrement à détruire ses dessins, par peur des incendies, mais également parce que la présence de dessins de nus dans la maison – la famille était très chrétienne – la dérangeait beaucoup. Charles écrit sur un de ses dessins :
« plus de nus dans la maison de ma mère, ordres de ma soeur Rita, je crois qu’elle a raison, je crois que j’ai raison aussi
c’est ainsi Charles, rien à foutre, ou plutôt pas de bol
Mr Charles p Steffen, 1990 » (Autoportrait avec un balais).
Ainsi, les dessins présentés dans cette exposition proviennent d’une collection d’œuvres réunie par Christopher Preissing, le neveu de l’auteur : il a sauvé environ deux milles dessins, réalisées entre 1989 et le décès de Charles en 1995.
Au gré des métamorphoses, Charles Steffen livre son quotidien, ses angoisses, ses souffrances, son acharnement à produire des dessins toujours plus réussis. L’exposition présente également un film, réalisé par Christopher Preissing, qui contient des enregistrements de la voix de Charles, ainsi que des interviews des membres de la famille.
Une exposition très bien documentée, cohérente et surprenante, à découvrir jusqu’au 29 septembre à la Collection de l’Art Brut de Lausanne.
Plus d’informations sur le site de la Collection de l’Art Brut
La Collection de l’Art Brut annonce également la publication du de son nouveau fascicule, le 24ème de la Collection, dans lequel figure une monographie de Charles Steffen.