L’exposition itinérante a pris ses quartiers samedi dernier à Saint-Gervais Genève Le Théâtre, tout près de la place Cornavin, pour trois mois riches en émotions. Car c’est bien d’émotions qu’il s’agit lorsqu’on traverse les deux étages austères consacrés à l’enfance oubliée. Le visiteur y ressent la tristesse, l’incompréhension et un brin d’espoir désabusé de ces jeunes « orphelins », trop longtemps ignorés.
L’exposition se veut didactique, abordable, en évitant tout sentimentalisme: pari réussi. Dans un décor scolaire (tableaux sur pieds, pupitres, stickers rappelant le jeu de la marelle), on découvre le destin de ces milliers d’enfants arrachés à leur famille, placés en orphelinat ou vendus comme de la marchandise aux paysans. Si les bonnes mœurs étaient un prétexte courant pour créer cette main-d’œuvre bon marché – une mère célibataire, une famille trop nombreuse sont des raisons suffisantes pour arracher les enfants à leur famille -, les conditions dans lesquelles ces enfants grandissent représente la partie la plus sombre de l’histoire.
Deux cas de figures ressortent. Les plus chanceux vont à l’école et reçoivent la visite de leur famille – s’ils en ont une – un dimanche par mois, à condition d’obtenir de bons résultats scolaires. Les notes satisfaisantes peuvent être également directement liées à l’obéissance sexuelle des enfants aux instituteurs ou surveillants concernés.
Les autres sont employés à la ferme, travaillent dix heures par jour, mangent et logent à l’étable. Souvent frappés, parfois abusés, ces esclaves n’ont aucun droit, ni celui à la parole, encore moins celui de connaître leurs origines.
Les témoignages audio (nombre de ces rescapés de la vie n’ont jamais appris à écrire) sont déchirants de simplicité. On réalise alors que ces gens font partie de notre entourage, en Suisse. L’impensable a bel et bien existé, dans l’ignorance autrefois, dans l’oubli aujourd’hui.
Une exposition indispensable sur le passé d’un pays que l’on croit souvent épargné, à tort, de telles abominations. À découvrir, seul ou en famille, jusqu’au 7 juillet.