« Mesdames, mesdemoiselles, messieurs : bienvenue dans notre Comédie ». C’est en ces mots qu’Ernest Fournier, directeur de la Comédie de Genève en 1913, accueille le public dans l’entrée du bâtiment. Les cadets ouvrent les festivités sur scène, avant de céder la place aux acteurs principaux du souvenir historique : sont présents la femme de M. Fournier, son architecte, ainsi que Viollier, personnage social par excellence. Puis L’Auteure apparaît sous les traits d’une jeune femme évanescente (l’excellente Sabrina Martin) : la mémoire de la Comédie raconte. Elle raconte l’envie d’un théâtre pour tous, la difficulté à dépasser les préjugés, à repenser l’art dramatique.
En 1913, on répète « Le Prince d’Aurec » sur une scène en chantier. Tout est à construire. La création de la Comédie se joue désormais en un soir. La création de la Comédie, c’est à la fois une histoire d’architecture, de théâtre, de questions pratiques – tels ces arbres inopportuns placés devant l’entrée et que la commune refuse d’abattre. La création de la Comédie, c’est avant tout une histoire de société. À l’aube des conflits qui font et défont l’Europe du 20ème siècle, les frontières entre classes sociales explosent pour mieux se définir.
100 ans plus tard, le renouveau s’impose, une fois de plus. En construction sur la place de l’ancienne Gare des Eaux-Vives, la Nouvelle Comédie apparaît en filigrane dans la pièce, à travers le décors et quelques allusions discrètes. En 1913, Jacques Copeau portait à bout de bras la volonté de l’art social, annonçant un bouleversement du rapport au théâtre voulu – peut-être malgré lui – par Ernest Fournier. En 2013, le futur reste à écrire. Sur scène, les personnages s’effacent et les cadets reviennent. Et si le destin de la Comédie n’était qu’un éternel recommencement?… L’avenir le dira.